https://youtu.be/nvHnLxuP6ag


Thomas Carlyle a dit « L’homme sans but est un navire sans gouvernail » et mon histoire finalement c’est l’histoire d’une personne qui a eu la chance de trouver le but de sa vie.

Tout commence dans une cellule de garde-à-vue, au commissariat de St Quentin en Yvelines un après-midi de septembre 2005. La porte s’ouvre, et un policier me dit de le suivre. Menottes aux poignets, je monte l’escaliers qui me mène chez le commissaire. Ce n’est pas la première fois que je vais devoir m’expliquer devant un commissaire, pour les jeunes garçons comme moi, la garde à vue, c’est un peu une habitude… Sauf que cette fois-ci, les choses sont plus graves : j’ai été balancé par un membre de mon équipe et je pourrais bien me retrouver en prison pour un bon moment. Je monte l’escalier, accompagné par le policier et j’aperçois par la fenêtre l’université de ST Quentin, qui se trouve juste à côté de du commissariat. Et, là, je ressens comme un coup de poing violent dans mon ventre. C’est que, cette université, c’est la mienne : j’ai 22 ans à cette époque-là, et je suis étudiant en droit, juste en face.

Quelle ironie ! la veille encore, j’assistais à mes cours - sans conviction certes -, j’étais libre de déambuler dans les couloirs de la fac, j’avais une vie sociale riche…

La face cachée de cette vie c’est qu’après les cours, alors que mes camarades allaient réviser et faire leur devoir, moi je vivais mon autre vie, avec d’autres potes, j’accumulais les conneries, les garde - à vue, les regards déçus de mes parents quand j’amenais les policiers à la maison…. Et petit à petit, je devenais celui que je ne voulais pas être : un gars qui déshonore le nom de sa famille.

Après 24h de garde à vue et plusieurs auditions, je m’en sors avec une simple amende. Ouf! Encore un coup de chance malgré tout… Mais, cette fois c’est passé près, tellement près, qu’en sortant je me dis : « cette fois-ci, c’est la dernière. Plus jamais ! Il est temps que ça change ! Ce n’est pas ma vie, ça, c’est pas la mienne ! je vais changer, je vais … » Sauf que ….. Je rentre chez moi, je retrouve les potes, le même milieu, les mêmes habitudes… et rien ne change, tout recommence. Mes bonnes résolutions ne tiennent pas longtemps (même pas 24h), et ma vie, celle qui n’est pas la mienne, elle me rattrape et je recommence à tourner en rond… sans but…     Quelques mois plus tard, mes petites soeurs ont fait un voyage à Bangui, la capitale de la Centrafrique, notre pays d’origine. Mes parents ont émigré en France en 1984, quand j’avais 14 mois, et depuis, nous les enfants n’y étions plus allés. A leur retour, elles me racontent leur séjour. Je vois sur leur visage illuminés, elles ont l’air transformé….

Et là, je ressens comme un appel, je ne sais pas, comme une petite voix qui me dit « Eh mon gars, il serait temps que tu ailles au pays quand même ». C’est comme ça que j’ai décidé de prendre un billet et de partir en République centrafricaine. J’avais besoin de voir autre choses, je me sentais comme oppressé dans ma vie, comme face à un mur et j’avais l’impression que ce voyage allait me faire du bien. Je ne savais pas comment, mais c’était une évidence que prendre ce billet était ce que je devais faire.

Me voilà donc 4 semaines plus tard. Je descends de l'avion qui vient de m’amener à Bangui. Je suis tout seul, et je retourne pour la première fois en 22 ans sur la terre de mes ancêtres. Et au moment même où je pose le pied sur le sol, je tombe amoureux : des odeurs, de cette terre rouge sans goudron, celle qu'on appelle la latérite. Il y a quelque chose qui me prend, quelque chose que j’aime instantanément. Je me sens tout de suite connecté à cette terre à tel point que j’enlève mes chaussures pour sentir le sol sous mes pas. Je foule ma terre, je suis chez moi. En Afrique, après la naissance, on enterre le placenta dans la terre… et l’on dit que « Là où ton placenta est enterré, tu reviendras ».  C’est comme s’il existe un lien indéfectible avec la terre qui te porte. C’est une tradition et sans doute plus que ça. Sous mes pieds je sens la terre qui vibre, et instantanément, je me sens plus vivant.   Pendant ce voyage, je découvre les frères de ma mère, les sœurs de mon père, des cousins et cousines que je ne connais pas mais dont les visages me semblent familiers, ils ressemblent aux visages de ma famille que j’ai laissés en France. La Centrafrique fait partie des pays les plus pauvres au monde. Les routes goudronnées sont quasi inexistantes, la plupart des infrastructures datent des années 70 et n’ont pas été entretenues depuis, on y voit partout les soldats de l’ONU… La majorité de mes proches sur place sont au chômage et quand ils travaillent, il leur arrive d’attendre leur salaires pendant plusieurs mois

Et pourtant, c’est sur cette terre que je vais trouver mon but!

Un soir de pleine lune, je suis assis avec des membres de ma famille devant la maison. On discute de tout et de rien, on boit du vin de palme, on grignote des arachides, Les enfants rient et courent partout. Une belle soirée en somme.

**Le petit frère de mon père m’interpelle:

Et à ce moment là, j’ai été pris par une forte émotion. J’en ai des frissons quand j’en parle.

J’ai compris à ce moment là pourquoi la petite voix m’a dit de prendre mon billet pour Bangui, j’ai compris pourquoi j’étais venu en France. Alors que j’aurais pu rester sur le continent avec mes cousins qui ont grandi là. Alors que j’aurais pu rester là et vivre pauvrement mais heureux on avait décidé de m’amener en France, pour le potentiel d’une vie, d’une vie avec des possibilités d’étude et de travail qu’on n’avait pas ici. Une vie dans laquelle je pourrais vivre décemment grâce à mon travail. On m’avait amené en France pour que j’ai un avenir, un avenir professionnel qui soit meilleur. Et là, je me suis rappelé des paroles de mes oncles : « Va le plus loin possible dans les études » pour avoir le meilleur niveau de qualification et de formation possible ET SURTOUT pour pouvoir ensuite aider le continent, pour pouvoir aider ta famille qui elle est restée et qui n’a pas eu l’opportunité de partir. Je ne suis pas venu en France pour être heureux. Je ne suis pas venu en France m’amuser. Je suis ici pour m’insérer professionnellement et aider ma famille restée au pays.   Mon rôle en France, mon vrai rôle c’était de travailler et de me développer de la meilleure façon possible. J’avais compris ma mission, mon but, j’avais trouvé mon gouvernail. J’ai compris que la vie que je menais avant m’éloignait de mon but et me perdait. Je faisais comme tout le monde, je cherchais à consommer, à exister, à m’épanouir dans des choses qui n’avaient finalement aucun lien avec ma raison d’être. Je tournais en rond parce que je ne savais pas où aller.   A mon retour, avec cette mission en tête, j’ai repris mes études dans la fac en face du commissariat, je me suis mis à travailler, véritablement. J’ai eu ma licence, puis mon master. J’ai coupé avec mon milieu, quitté la fille avec laquelle j’étais, changé de fréquentations, coupé avec certaines addictions, il me reste encore les sucreries 😊 , rencontré celle qui a accepté de devenir ma femme et avec laquelle j’ai 3 merveilleux enfants. J’ai travaillé pendant 10 ans en tant que juriste et il y a maintenant un an j’ai quitté mon emploi pour donner toutes les chances à un projet : créer un réseau d’affaires pour favoriser l’insertion professionnelle et le développement économique de la diaspora africaine. Depuis ce voyage en 2006, j’ai tout simplement repris une vie cohérente avec ma raison d’être parce que maintenant je sais pourquoi je suis là.

Je m’appelle Tanguy NGAFAOUNAIN-TABISSI. Je ne suis pas en France pour être heureux, je ne suis pas en France pour chercher mon bonheur, je suis là pour travailler, réussir et sans ce voyage au pays de mon placenta, je n’aurais pas découvert mon but qui se terrait dans mes racines, sur cette terre sur laquelle j’ai eu besoin de marcher pour avancer.